Les Vers d’Or de Pythagore

Beaucoup des personnes que je rencontre à mon cabinet me parlent des textes qui leur servent de référence pour se construire psychologiquement. En tête de liste revient souvent les Quatre accords toltèques et après suivent généralement des textes religieux (Évangiles, Coran, etc.) ou des essais psychologiques modernes.

Je pense qu’il est très utile (voire nécessaire) d’avoir des références pour se construire. Toutefois, il existe une malheureuse constante dans tous ces textes populaires : on n’y traite pas ou que très rarement de l’Équilibre qui est, à mon sens, la notion la plus importante, psychologiquement, pour la construction et le maintien d’un esprit sain et serein.

Les mots « Lumière », « Amour », « Partage », « Paix » reviennent en permanence dans tous ces textes, mais c’est une profonde erreur de croire que ces concepts fonctionnent indépendamment, par eux-mêmes. En réalité, ils font partie d’un complexe dynamique ou chaque opposé est d’importance égale : ainsi, les ténèbres sont nécessaires à l’existence de la lumière, la souffrance est nécessaire pour qu’existe le plaisir, la guerre pour la paix, etc.

Psychologiquement, nous avons autant de ténèbres en nous que de lumière. C’est pour cette raison que les films violents ou d’épouvante marchent aussi bien : ils sont un moyen de laisser s’exprimer cette part ténébreuse qui est en nous de manière symbolique (c’est la fameuse catharsis dont parle Aristote).

Et elle doit s’exprimer. Si nous ne lui permettons pas de le faire de manière symbolique (par les arts, le sport, les jeux vidéos, la musique, etc.), elle finit par s’accumuler dans l’inconscient comme un bouillonnant réservoir d’énergies. Or, lorsque l’accumulation de ces énergies devient trop importante, celles-ci explosent en conflagrations, percent la « parois » de l’inconscient et se déversent dans le conscient, générant des comportements névrotiques.

« Laissez s’exprimer la bête quand elle le peut pour qu’elle se taise quand il le faut » ai-je l’habitude de dire et « Ne refoulez jamais la moindre partie de vous-même » : car voilà la clé d’une psyché équilibrée et sereine, la clé du bonheur donc. Rien dans votre inconscient n’est fondamentalement mauvais : la seule vraie chose mauvaise et dangereuse, c’est le manque d’équilibre dans les forces de la psyché. Si ce manque d’équilibre provient d’un refoulement volontaire, alors en réapprenant à vous accepter en totalité (lumière comme ténèbres) le problème se résorbera rapidement de lui-même.

En attendant, et puisque c’était le sujet de cet article, je vous présente ici le texte qui m’a personnellement servi de référence pour me construire psychologiquement. Il s’agit d’un poème attribué au philosophe Pythagore et datant du Ve siècle avant notre ère. Il servait en quelque sorte de code moral pour les membres de l’école pythagoricienne et a été longtemps célèbre dans le monde méditerranéen (les premiers chrétiens n’ont d’ailleurs pas hésité à s’en inspirer pour leurs écrits). On y retrouve cette idée que l’Équilibre, la « juste mesure », est d’une importance fondamentale pour une vie sage et heureuse. Le voici donc :

LES VERS D’OR

Honore en premier lieu les Dieux Immortels dans l’ordre qui leur fut assigné par la Loi. 
Respecte le Serment. Honore ensuite les Héros glorifiés. 
Vénère aussi les Génies terrestres, en accomplissant tout ce qui est conforme aux lois. 
Honore aussi et ton père et ta mère et tes proches parents. 
Entre les autres hommes, fais ton ami de celui qui excelle en vertu. 
Cède toujours aux paroles de douceur et aux activités salutaires. 
N’en viens jamais, pour une faute légère, à haïr ton ami, 
Quand tu le peux : car le possible habite près du nécessaire. 
Sache que ces choses sont ainsi, et accoutume-toi à dominer celles-ci : 
La gourmandise d’abord, le sommeil, la luxure et l’emportement. 
Ne commets jamais aucune action dont tu puisses avoir honte, ni avec un autre, 
Ni en ton particulier. Et, plus que tout, respecte-toi toi-même. 
Pratique ensuite la justice en actes et en paroles.


Ne t’accoutume point à te comporter dans la moindre des choses sans réfléchir. 
Mais souviens-toi que tous les hommes sont destinés à mourir ; 
Et parviens à savoir tant acquérir que perdre les biens de la fortune. 
A l’égard de tous les maux qu’ont à subir les hommes de par le fait des arrêts augustes du Destin, 
Accepte-le comme le sort que tu as mérité ; supporte-les avec douceur et ne t’en fâche point. 
Il te convient d’y remédier, dans la mesure que tu peux. Mais pense bien à ceci : 
Que la Destinée épargne aux gens de bien la plupart de ces maux. 
Beaucoup de discours, lâches ou généreux, tombent devant les hommes ; 
Ne les accueille pas avec admiration, ne te permets pas de t’en écarter. 
Mais si tu vois qu’on dit quelque chose de faux, supporte-le avec patience et douceur. 
Quand à ce que je vais te dire, observe-le en toute circonstance. 
Que jamais personne, ni par ses paroles ni par ses actions, ne puisse jamais 
T’induire à proférer ou à faire ce qui pour toi ne serait pas utile. 
Réfléchis avant d’agir, afin de ne point faire des choses insensées, 
Car c’est le propre d’un être malheureux de proférer ou de faire des choses insensées.


Ne fais donc jamais rien dont tu puisses avoir à t’affliger dans la suite. 
N’entreprends jamais ce que tu ne connais pas ; mais apprends 
Tout ce qu’il faut que tu saches, et tu passeras la vie la plus heureuse. 
Il ne faut pas négliger la santé de ton corps, 
Mais avec mesure lui accorder le boire, le manger, l’exercice, 
Et j’appelle mesure ce qui jamais ne saurait t’incommoder. 
Habitue-toi à une existence propre, simple ; 
Et garde-toi de faire tout ce qui attire l’envie. 
Ne fais pas de dépenses inutiles, comme ceux qui ignorent en quoi consiste le beau. 
Ne sois pas avare non plus : la juste mesure est excellente en tout. 
Ne prends jamais à tâche ce qui pourrait te nuire, et réfléchis avant d’agir. 
Ne permets pas que le doux sommeil se glisse sous tes yeux, 
Avant d’avoir examiné chacune des actions de ta journée. 
En quoi ai-je fauté ? Qu’ai-je fait ? Qu’ai-je omis de ce qu’il me fallait faire ? 
Commence par la première à toutes les parcourir. 
Et ensuite, si tu trouves que tu as omis des fautes, gourmande-toi ; 
Mais, si tu as bien agi, réjouis-toi. 
Travaille à mettre ces préceptes en pratique, médite-les ; il faut que tu les aimes, 
Et ils te mettront sur les traces de la vertu divine, 
J’en jure par celui qui transmit à notre âme le sacré Quaternaire, 
Source de la Nature dont le cours est éternel. 
Mais ne commence pas à prendre à tâche une oeuvre, 
Sans demander aux Dieux de la parachever.


Quand tous ces préceptes te seront familiers, 
Tu connaîtras la constitution des Dieux Immortels et des hommes mortels, tu sauras 
Jusqu’à quel point les choses se séparent, et jusqu’à quel point elles se rassemblent. 
Tu connaîtras aussi, dans la mesure de la Justice, que la Nature est en tout semblable à elle-même, 
De sorte que tu n’espéreras point l’interprétable, et que plus rien ne te sera caché. 
Tu sauras encore que les hommes choisissent eux-mêmes et librement leursmaux, 
Misérables qu’ils sont; ils ne savent ni voir ni entendre les biens qui sont près d’eux. 
Peu nombreux sont ceux qui ont appris à se libérer de leurs maux. 
Tel est le sort qui trouble les esprits des mortels. Comme des cylindres, 
Ils roulent ça et là, accablés de maux infinis. 
Innée en eux, en effet, l’affligeante Discorde les accompagne et leur nuit sans qu’ils s’en aperçoivent ; 
Il ne faut point la provoquer, mais la fuir en cédant.


O Zeus, notre père, tu délivrerais tous les hommes des maux nombreux qui les accablent, 
Si tu montrais à tous de quel Génie ils se servent ! 
Mais toi, prends courage, puisque tu sais que la race des hommes est divine, 
Et que la nature sacrée leur révèle ouvertement toutes choses. 
Si elle te les découvre, tu viendras à bout de tout ce que je t’ai prescrit ; 
Ayant guéri ton âme, tu la délivreras de ces maux. 
Mais abstiens-toi des aliments dont nous avons parlé, en appliquant ton jugement 
A tout ce qui peut servir à purifier et à libérer ton âme. Réfléchis sur chaque chose, 
En prenant pour cocher l’excellente Intelligence d’en-haut. 
Et si tu parviens, après avoir abandonné ton corps, dans le libre éther, 
Tu seras dieu immortel, incorruptible, et à jamais affranchi de la mort.

Commentaires sur les Vers d’Or des Pythagoriciens. Traduction de Mario Meunier ed. Guy Trédaniel

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