Réflexions sur le « lieu-ressource » en hypnose

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Dans le monde contemporain de l’hypnose, un terme revient souvent sur le devant de la scène : celui de « lieu-ressource » (ou « safe place » en anglais). Cette notion, pourtant, est particulièrement récente et n’apparaît pas dans les ouvrages sur l’hypnose du XIXe siècle ; dans le monde anglo-saxon, et jusque dans les années 70’, la notion de « safe place » est utilisée uniquement pour désigner l’environnement thérapeutique (cabinet du praticien, salle d’opération ou autre) ; et la notion de lieu-ressource, en France, apparaît d’abord en urbanisme et en sociologie, dans les études sur les représentations que se font les habitants de leurs quartiers, ou bien des jeunes de leurs centres de loisirs, etc. Ce n’est que dans les années 2000 que les deux termes prennent le sens nouveau que nous leur attribuons aujourd’hui dans le vocabulaire hypnotique, et deviennent synonymes, « safe place » étant habituellement remplacé par « lieu-ressource » dans les ouvrages anglophones traduits en français – alors que les deux termes n’ont, à la base, pas le même sens.

Définition et fonctionnalités du lieu-ressource

Aujourd’hui, le lieu-ressource désigne un espace imaginaire agréable, aménagé lors d’une séance d’hypnose/autohypnose, où le sujet pourra se rendre facilement, à chaque fois qu’il le souhaitera.

Ce lieu possède, à mon sens, plusieurs fonctionnalités essentielles : tout d’abord, le lieu-ressource offre une « solution de rempli » en cas de séance difficile : il est possible de suggérer au sujet (ou de s’auto-suggérer lorsqu’il s’agit d’autohypnose) que l’on peut revenir en un claquement de doigts dans son lieu ressource, en cas de blocage imaginatif ou de déferlement émotionnel trop important, afin d’y retrouver les bonnes émotions qui y sont associées et de pouvoir reprendre le travail, ensuite, une fois le sujet calmé, d’y trouver une autre approche thérapeutique ou encore de clore la séance sur une note positive. D’ailleurs, la définition exacte du mot « ressource » confirme par elle-même cette première et essentielle fonctionnalité du lieu-ressource :

RESSOURCE, subst, fémi. Moyen permettant de se tirer d’embarras ou d’améliorer une situation difficile. Synon. recours.

Mais le lieu-ressource, dans les séances d’hypnose / autohypnose contemporaine, possède une dimension plus large : il permet aussi une induction ou un approfondissement facile de la transe hypnotique. Puisque le lieu est connu, il est facile de l’aménager de manière à le rendre le plus « hypnotique » possible et d’y ajouter des éléments connus et appréciés du sujet qui permettront à ce dernier d’accélérer la phase de dissociation avec le réel et de l’associer parfaitement avec son imaginaire.

La troisième fonctionnalité essentielle du lieu-ressource est celle d’être un « carrefour de l’inconscient » : en effet, il est facile de suggérer que ce lieu fonctionne à la façon d’une « base d’opération » à partir de laquelle il est possible d’accéder à toutes les régions de l’inconscient. L’univers du jeu vidéo a parfaitement exploité ce genre d’espace-carrefour. On parle alors d’un « hub central » : c’est une forteresse dans le jeu Vermintide 2 qui permet d’accéder aux cartes des missions grâce à un portail de téléportation ; c’est un vaisseau spatial dans Borderlands 3, dans la trilogie Mass Effect et dans Star Wars The Old Republic, un train dans Metro : Exodus et dans la série des Syberia, etc.

Bien sûr, le lieu-ressource peut posséder bien d’autres fonctionnalités et avantages : une séance entière peut être opérée dans cet espace imaginaire, sans jamais devoir le quitter. Mais, personnellement, je préfère conserver ce lieu le plus neutre et « intact » possible : s’il faut travailler sur des choses « négatives », je le fais quasi-systématiquement hors de cet espace, pour éviter toute « souillure », autrement dit toute association négative potentielle avec le lieu-ressource.

un lieu ressources hypnotisant

Mon premier lieu-ressource

J’ai créé mon premier lieu-ressource avant-même de connaître – techniquement –  l’hypnose, alors que je pratiquais la méditation de façon plutôt spontanée. Je me souviens, lors de ma première séance, avoir juste fixé dans mon imaginaire un espace rectangulaire, une sorte de crypte aux murs de briques et au plafond voûté. C’est tout ce que j’ai fait. Puis, je suis sortit de ma transe et j’ai écrit ce que j’avais visualisé dans mon journal. Le lendemain, j’y suis retourné, et j’y ai ajouté trois meubles : un canapé chesterfield, un mannequin sur lequel est posé une armure lamellaire en cuir bouilli à la cire d’abeille (je suis très olfactif, donc je joue beaucoup sur les odeurs), et un meuble à tiroir rouge. Je suis sorti de ma transe et j’ai noté tous ces éléments. Le lendemain j’ai rajouté des bibliothèques, un bonzaï sur le meuble rouge, et une table basse. Et j’ai fait de même durant les jours qui ont suivi, puis les mois, jusqu’à rajouter d’autres pièces et faire de mon lieu-ressource un vaste et confortable complexe souterrain, et à relier celui-ci – plus tard, après avoir étudié l’hypnose -, à un grand escalier de marbre froid dont la descente me sert d’induction hypnotique. Pourquoi un lieu souterrain ? Aucune idée, c’est ce qui m’est venu spontanément, et ça me convient très bien.

Ce lieu-ressource, je l’utilise encore aujourd’hui, dans 80% de mes séances d’autohypnose. Au début de chaque séance, je m’y rends, et je passe entre cinq et dix minutes dans ce lieu, buvant un thé (préparé à base des feuilles du bonzaï sur le meuble rouge !) et papotant avec « Sartorial », le gardien du lieu, lui faisant le récapitulatif de la journée lorsqu’il s’agit d’une séance du soir. Puis, une fois ce moment « d’approfondissement de transe » passé, j’emprunte une porte magique qui donne sur un ciel nuageux, je me transforme en aigle, et je vole jusqu’à la région de mon inconscient que je désire explorer.

Par contre, il est à noter que je ne repasse généralement pas par ce lieu à la fin de mes séances d’autohypnose, ou alors en accéléré, car j’ai tendance à revenir très vite à un état de conscience ordinaire lorsque j’ai atteint l’objectif que je m’étais fixé. Ou bien à plonger, après, dans un profond sommeil, lorsque la séance est nocturne.

Mes autres lieux-ressource

Ce lieu-ressource n’est toutefois pas le seul que je me suis créé. Lorsque j’entre en transe face à mon autel, je m’imagine passer à travers le trou d’une pierre qui est posée sur celui-ci (une pierre de lave que j’ai ramenée d’Islande en 2016) et me retrouver dans une vallée secrète, ceinte de hautes falaises. Lorsque je suis dans ce lieu, il faut que je plonge dans un petit lac pour pouvoir voyager vers d’autres lieux : les eaux se mettent alors à tournoyer et m’aspirent vers le fond, à la façon d’un siphon, pour me propulser vers d’autres lieux, comme si j’y tombais du ciel après qu’on eut tiré une « chasse céleste » !

Et lorsque j’entre en transe assis sur mon zafu (coussin de méditation), j’imagine souvent que je me retrouve dans une sorte de gigantesque temple tibétain, au sommet de hautes montagnes. Ce temple possède une infinité de portes qui permettent d’accéder à toutes les régions de l’inconscient.

Comme vous pouvez le constater, chez moi, le lieu-ressource est surtout associé au lieu ou à la façon dont je vais faire ma séance. Mais cette règle peut varier d’une personne à l’autre : à vous de découvrir la vôtre. Retenez surtout que chaque personne peut avoir plusieurs lieux-ressource, car c’est tout à fait possible. Et sachez aussi que ces lieux peuvent évoluer dans le temps, indépendamment de votre volonté consciente parfois même, car l’inconscient possède sa vie propre.

Quelques conseils

Si vous ne possédez pas de lieu-ressource fixe, créez-vous-en un ! Bien sûr, on peut voyager en autohypnose en utilisant à chaque séance des lieux nouveaux ; mais le fait d’avoir au moins un lieu de référence, un lieu bien connu, avec des objets/outils/personnages que vous avez associés à des fonctions hypnotiques spécifiques vous permettra d’approfondir plus facilement votre état de transe et d’atteindre plus aisément vos objectifs. En outre, ce lieu étant une interface directe avec l’inconscient, il vous permettra aussi, à terme, d’obtenir très rapidement des informations essentielles que vous auriez pu, autrement, zapper (involontairement ou volontairement) : de nombreuses fois, mon gardien Sartorial, alors-même que j’avais prévu un objectif particulier de séance d’autohypnose, m’a interrompu et recadré en me disant « Non non, il y a plus urgent à faire : il faut que tu ailles travailler telle ou telle chose, c’est important ! Ce que tu voulais faire attendra une autre séance ». Enfin, comme on l’a expliqué précédemment, ce lieu-ressource peut parfois vous aider à « faire le point » – et à vous ressourcer ! –  lorsque vous êtes bloqués dans tel ou tel travail hypnotique.

Conclusion

J’aimerai conclure en ouvrant la réflexion sur une question qui peut paraître surprenante : le lieu-ressource, créé en (auto)hypnose, est-il vrai ?

Bien entendu, le lieu-ressource n’existe pas dans le monde réel (même lorsqu’il est créé en s’inspirant d’un lieu existant), c’est un lieu qui apparaît à un moment T dans notre imaginaire et dont notre conscient et notre inconscient vont se servir à différentes fins. Pourtant, force est de constater que sur les milliers de lieux-ressources que mes patients m’ont décrit en séances, de nombreuses descriptions étaient très similaires (et ce, parfois, de façon troublante) : cette caverne au plafond percé qui ouvre sur une lumière agréable et avec un lac souterrain aux eaux chaudes, cette forêt luxuriante donnant sur un petit plan d’eau à demi entouré de falaises, avec cascade et ruisseau, cette prairie fleurie donnant sur des forêts, puis sur des montagnes en arrière-plan, etc. Les lieux-ressource seraient-ils donc (une partie d’entre eux du moins) des manifestations archétypiques ? Si c’est le cas, alors nous pourrions peut-être parler de la « vérité » des lieux-ressource, comme structures fondamentales de notre psyché, dont certaines seulement se manifestent consciemment à nous (lorsque nous en faisons la demande à l’inconscient, lors d’une transe). Créons-nous des lieux-ressources ? Où sont-ce eux qui nous créent… ? Je vous laisse réfléchir à la question !

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